L'Institut de la statistique du Québec (ISQ) ne le dit pas aussi crûment que cela, mais la conclusion d'une remarquable étude qu'il vient de publier saute aux yeux: pour les immigrants, le marché québécois du travail est nettement plus difficile à percer que dans les autres provinces. Les chiffres sont ceux de 2009, dernière année complète où l'on dispose de données permettant d'effectuer des recoupements selon l'âge, le sexe, le niveau d'instruction, la région de provenance. Le document fournit le portrait le plus complet jamais publié sur le sujet.
D'entrée de jeu, un chiffre saute aux yeux: au Québec, le taux de chômage chez les immigrants se situe à 13,7%, comparativement à seulement 7,6% chez les travailleurs nés au Canada (que les spécialistes appellent les «natifs»). Cela va donc presque du simple au double. Cette situation n'est pas unique: dans la majorité des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), on peut constater des écarts du même ordre.
Ce qui est plus dramatique, c'est que le reste du Canada réussit à faire beaucoup mieux. En Ontario, le taux de chômage chez les immigrants atteint 10,7%, comparativement à 8,4% chez les «natifs». Dans l'ensemble du Canada, les chiffres correspondants sont de 10% et 7,8%. Chez certaines catégories de travailleurs, les disproportions sont considérables: chez les immigrants très récents (arrivés depuis moins de 5 ans), le chômage n'est que de 7,4% en Saskatchewan, comparativement à 22,4% au Québec. Certes, avec le temps, la situation des immigrants s'améliore. Ainsi, chez les immigrants de longue date (10 ans et plus), le taux de chômage tombe à 10,7% au Québec, mais il demeure encore sensiblement plus élevé que la moyenne canadienne de 8,3%.
Ce que ces chiffres nous disent, c'est que la situation au Québec peut soutenir la comparaison au niveau international, mais que, dans un contexte canadien, le Québec accuse un retard considérable.
Qu'est-ce qui peut causer cela?
Le document vise d'abord à dresser un portrait de la situation, et demeure donc assez discret sur le sujet. Selon le directeur de l'étude, Jean-Marc Kilolo-Malambwe, la présence relativement forte d'immigrants dans une société d'accueil facilite l'intégration des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Or, toutes proportions gardées, le Québec attire moins d'immigrants que les autres provinces. On a vu que les immigrants comptent pour 12% de l'emploi au Québec. En Colombie-Britannique, la proportion frise les 27%; en Ontario, 29%, dont une forte proportion d'immigrants de longue date. Le poids de l'Ontario contribue grandement à faire monter la moyenne canadienne à 20%.
Dans ces deux provinces, les immigrants constituent à l'évidence même une masse critique beaucoup plus importante qu'au Québec, et cela peut certainement contribuer, par effet d'entraînement, à faciliter l'accès au marché du travail.
Il faut aussi poser la question de la crédibilité des diplômes. Ainsi, le taux de chômage atteint 20% chez les immigrants diplômés en provenance d'Afrique (y compris les pays du Maghreb), mais tombe à 16% chez les Asiatiques et seulement 9% chez les Européens. Or, les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) fournissent beaucoup plus d'immigrants au Québec qu'au reste du Canada. Un chiffre est remarquable: chez les immigrants, peu importe le pays de provenance, qui ont décidé d'effectuer leur formation au Canada ou de décrocher un diplôme dans une institution canadienne, le taux de chômage chute de façon spectaculaire à 8,5%.
Le document jette aussi un éclairage très intéressant sur le taux d'emploi (c'est-à-dire la proportion de personnes en âge de travailler et détenant un emploi). Plus le taux d'emploi est élevé, mieux c'est. Comme on peut s'y attendre, le taux s'emploi des immigrants établis au Québec, à 53,2%, est très inférieur à celui des travailleurs nés au Canada (60,8%). La différence la plus frappante concerne les jeunes femmes de 15 à 24 ans. Chez les jeunes femmes immigrantes de cette catégorie, le taux d'emploi plonge à 36%, 60,6% chez les «natives» du même groupe d'âge. Le document n'avance aucune explication là-dessus, mais on peut se poser la question: ce fossé pourrait-il avoir quelque rapport avec la forte proportion d'immigrants maghrébins, et de leur attitude à l'égard de la femme au travail?
Auteur:Claude Picher
Source: cyberpresse.ca
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